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Par JOURNAL L'À-PROPOS
22 août · 4 mn à lire
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Immigration ou la 2ème priorité française : mais comment ?

Selon le même sondage d’Harris Interactive de juillet 2024 que nous citions la semaine dernière, la priorité française n°2 est l’immigration. Ce jeudi, nous sommes allés en parler avec les Marseillais et Marseillaises, et nous faisons le point sur nos systèmes de contrôle d’identité aux frontières. Quid des routes aoûtiennes de 2025 ?

D’abord, on voulait vous parler de quelque chose…

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L’échapée du drapeau, de Margot Soulat

Contrôle des frontières : le tableau à double entrée

Le mois d’août et ses nombreux passages de vacanciers aux frontières, nous permet de faire le point sur les mesures déjà en cours de mise en œuvre pour « limiter l’immigration irrégulière ». Comment ses mesures se traduisent-elles, dans les faits, tout en conservant une frontière « filtrante » des voyageurs légaux ? Dans cet article, nous regardons de plus prêt le cas de l’EES (Entry Exit System ou Système d’Entrée Sortie), dont la mise en application arrive à nos frontières d’ici à la fin de l’année.

Les vacances sont l'occasion de reprendre conscience, au grès de nos pérégrinations touristiques, des frontières qui nous entourent, a fortiori lors du passage rituel à la douane. Si la transition d’un pays à l’autre de l’Union Européenne est presque perçue comme une formalité, la tendance vis-à-vis des pays tiers, situés en dehors de l’espace Schengen, est celle d’un contrôle accru, notamment depuis la « crise migratoire » de 2015 : c’est dans ce sillage que s’inscrit l’EES qui devrait finalement, après plusieurs retards successifs à l’allumage, devenir une réalité le 10 novembre 2024.

Ce nouveau système biométrique reviendra très concrètement à remplacer pour les voyageurs hors UE, de passage pour un court séjour, la vérification manuelle des documents de voyage tels que le passeport  ou le visa par l’enregistrement numérique de données individuelles personnelles : date et lieu d’entrée et de sortie mais également empreintes digitales et images faciales. Avec l’appui de ces données, auxquelles pourra également accéder Europol, les autorités des pays concernés auront ainsi connaissance de la durée restante du séjour et pourront par conséquent veiller au non-dépassement des délais maximum autorisés au sein de l’espace Schengen  - à savoir 90 jours sur une période de 180 jours.

 

Une priorité européenne

Proposé dès 2016 par la commission européenne dans le cadre du Smart Borders Package et fléché comme une priorité législative par le président de la commission d’alors Jean-Claude Juncker, l’EES constitue une première étape avant la mise en vigueur de l’ETIAS (European Travel Information and Authorisation System), une autorisation de voyage conçue sur le modèle de l’ESTA américain, et associée à une taxe de 7 euros pour les voyageurs concernés.

Les camions mécontents, de Margot Soulat

Pourquoi cette évolution ? Si ce nouveau système est présenté comme de nature à amener un gain de temps, à terme, pour l’accueil des voyageurs, dans un contexte d’augmentation des flux touristiques au sein de l’Union européenne, il répond avant tout à une volonté politique de renforcer la sécurisation des frontières. Cette sécurisation agglomère au passage deux problématiques bien distinctes – la prévention des actes de terroristes ou criminels transfrontaliers et la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette lutte est menée avec une attention renforcée au phénomène dit des « overstayers », c’est-à-dire les visiteurs arrivés par voie légale qui prolongent la durée de leur séjour au-delà de la période légale de leur visa.

La technologie, à quel prix ?

Cette nouvelle étape de dématérialisation reflète également, dans la foulée des évolutions des dernières décennies du système d'information Schengen, une tendance de l’Union Européenne à confier l’étanchéité de notre Espace Schengen au solutionnisme technologique.

Les inquiétudes relayées médiatiquement jusqu’ici se cristallisent majoritairement autour de la capacité des pays de l’Union Européenne mais également des industries et infrastructures concernées – compagnies aériennes, aéroports… – à se doter des équipements nécessaires et former leur personnel en fonction, ce passage à un fonctionnement biométrique représentant un changement de paradigme de taille qui a justifié les retards successifs du lancement de l’EES. La crainte de délais d’attentes supplémentaires pour les usagers lors des premières phases de mise en route a notamment été mise en avant. Délais qui pourront paraître comme paradoxaux aux voyageurs soumis à ces nouvelles contraintes, tout comme aux nombreux camionneurs que l’on avait déjà vu bloqués à Calais en sortie de Brexit, et à qui l’on promet en contrepartie un système plus efficace.

 Les gardes frontières britanniques, de Margot Soulat

Et la protection des données ?

L’EES pose par ailleurs plusieurs sujets en matière de droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne la problématique de la confidentialité des données ainsi recueillies, qui seront conservées au minimum trois ans et jusqu’à cinq ans si aucun départ n’a été enregistré, d’autant plus sensible dans un contexte marqué par la recrudescence des cyber-attaques, à l’instar du vol il y a quelques mois en France de plusieurs millions de numéros de sécurité sociale.

La massification des données collectées interroge également la capacité des pays membres à les traiter de façon efficace, certains étant d’ores et déjà en difficulté pour intégrer au système d’information Schengen les données pertinentes lors de la création de signalements ou encore à tirer profit de la fonctionnalité de recherche par empreintes digitales dans ce système d’information pour détecter les éventuelles menaces pour la sécurité - problématiques d’ailleurs encore récemment pointées dans les rapports 2023 et 2024 de la Commission européenne sur la situation dans l’espace Schengen.

La plus-value en matière de sécurité pour les citoyens européens d’une telle automatisation méritera donc une évaluation attentive, qui plus est au regard de l’investissement conséquent que représente le passage à l’EES,  dont le coût a été estimé par le Parlement Européen à 1 milliard d’euros.

 

Un article d’Estelle Naud

 


« Marseille, c’est une ville méditerranéenne peuplée d’irréductibles »

Sur le Cours Julien à Marseille, Nina, Léon, Fabio, Khaled et Alizée, tous âgés de 20 à 30 ans - comme la plupart de la faune peuplant ce petit bout de ville progressiste, ont partagé avec nous leurs impressions sur la deuxième priorité nationale.

Léon et Fabio sont tous les deux assis sur les marches de la sortie de métro Notre Dame du Mont. Les deux amis sont unanimes : oui, l’immigration est bien une priorité pour eux : « il faut avoir une politique sociale constructive », argumente Fabio. Selon eux, la sphère médiatique « diabolise l’immigration » qu’ils considèrent eux comme « positive ». « Mon père regarde BFM TV, insiste Fabio, et pourtant il était pas facho à la base, mais maintenant il a ces idées. C’est un problème, voire même un danger. » Léon précise :

J’ai grandi dans les quartiers nord à Marseille, j’ai grandi avec que des jeunes de l’immigration et je n’ai jamais compris ce qu’on en disait dans les médias. C’est un écran de fumée. La vraie Marseille, c’est une ville méditerranéenne peuplée d’irréductibles.

La fumée, de Margot Soulat

Léon espère que lui-même serait bien accueilli s’il déménageait dans un pays étranger. Dans le climat actuel, le jeune homme doute sur les capacités de la France à en faire de même avec d’autres : « même en étant français, avec nos sacs à dos les gens nous regardent bizarre dans les villages, alors j’imagine même pas si on était étrangers. ».

Fabio vient pour sa part de Nîmes, « une ville avec un centre bourgeois et conservateur où pourtant la ZUP [zone d’urbanisation prioritaire, ndlr] est super étendue autour ». Pour lui, ce sont ces différences sociales qui alimentent les divisions.

Nina et Alizée, toutes deux assises de part et d’autre de la place en attendant leurs amies respectives, ne considèrent pas l’immigration comme une priorité, ou en tout cas « pas comme un danger ». Nina fait ses études de droit à Marseille et effectue son stage dans un cabinet d’avocats spécialisé dans le droit des étrangers.

Pour la juriste en devenir, la prise en charge des demandeurs d’asile doit être améliorée, notamment « les mineurs isolés qui ne sont pas hébergés pendant leur procédure, surtout quand on reconnaît leur minorité a posteriori, après un recours auprès du juge ». Nina pointe du doigt « des délais de procédure particulièrement longs pour octroyer ou refuser une demande d’asile à l’OFPRA [Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides] ou à la CNDA [Cour Nationale du Droit d’Asile] », qui « laissent les demandeurs dans des situations de précarité extrême sur des périodes allant jusqu’à plusieurs années, faute de cadre administrative ».

Alizée est doctorante en astrophysique et, en s’étant « un peu renseignée », elle estime aussi qu’« il faut un cadre d’accueil défini » et que « la mauvaise information crée l’inquiétude ».

Khaled partage l’opinion des deux jeunes femmes. Pour le Marignanais, l’immigration, « ça n’est pas le sujet ». Ces priorités à lui sont le pouvoir d’achat et l’insécurité :

Il faut en finir avec le laxisme de la justice. Les peines de moins de six mois devraient être appliquées quoi qu’il en coûte, pour ne pas laisser faire la petite délinquance et leur imposer des grosses conséquences. C’est ça, le vrai sujet.

 

Un micro-trottoir de Charlotte Culine