Niche, Churchill et nomination : comment la rentrée se profile-t-elle ?

Entre la débattue cérémonie d'ouverture et les dizaines de médailles d'or s'abattant sur nos athlètes, L'À-Propos fait l'état des lieux des avancées politiques nationales, avec un petit clin d'œil d'Outre-Manche où l'élection du nouveau premier ministre travailliste Keir Starmer semble s'opposer au flottement français.

Les mots de L'À-PROPOS
6 min ⋅ 01/08/2024

Retraites et finances : le moment d’un retour à la niche ?

Emmanuel Macron déclarait le mardi 23 juillet que le nouveau Premier ministre ne sera pas dévoilé avant la mi-août. Le même jour, La France Insoumise proposait à nouveau d’abroger le projet de loi « réforme des retraites », porté par la première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, en avril 2023.

Dans le même temps, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le manque de temps restant après les JO pour préparer le projet de loi de finance (PLF) - ensemble des recettes et dépenses de l'État pour l'année suivante - prévu pour début octobre.

Tous deux passés par voie de 49.3 en 2023, le PLF et la réforme des retraites sont dans le viseur de la nouvelle opposition renforcée. 

Illustration de Margot Soulat

Le projet de loi des finances

Ce mardi 30 juillet, nous avons suivi la ligne 2 du métro parisien pour nous rendre à Courcelles d’abord, où Julie et Mathis ; puis à Jaurès, où Philippe et Mariam nous ont partagé leur sentiment concernant l’actualité de ces deux projets de lois et sur la définition de « niche parlementaire ».

« Le problème c’est que la dissolution est arrivée dans le pire des moments avec les Jeux Olympiques (JO) » décrit la quadragénaire Julie à Courcelles. Mathis est un étudiant parisien, pour lui, « au vu des enjeux, ça va être compliqué de bien préparer ce projet de loi ».

À Jaurès, Philippe profite de la chaleur pour se balader : « Heureusement qu’il y a l’été et les JO pour nous remonter un peu le moral ! Le projet de loi des finances ? Je ne sais pas comment le prochain Gouvernement pourra gérer cela aussi vite ». Mais Mariam reste optimiste :

Ils en feront sûrement la priorité une fois le Premier ministre élu

Abroger la réforme des retraites

La réforme des retraites, qui a fait l’objet de nombreux désaccords de la part de la majorité des groupements politiques avec des centaines de manifestations partout dans le pays fait désormais l’objet d'une nouvelle proposition de loi, portée par La France Insoumise (LFI). Le Rassemblement National (RN) a indiqué qu’il voterait la loi, malgré s’être rétracté sur la question au cours de la campagne des législatives.

Sur ce sujet, Julie estime que « la dette de l’Etat pourra se réduire avec ce projet de loi, personne ne veut travailler plus mais on meurt de plus en plus vieux donc autant que ce soit proportionnel ». Philippe n’est pas totalement d’accord :

C’est logique que la majorité de l’Assemblée souhaite s’en débarrasser car en ayant eu recours au 49.3 l’année dernière, Elisabeth Borne savait qu’elle prenait une décision ne convenant pas à une majorité.

La niche parlementaire

Pour autant, la route est encore longue avant le potentiel examen des textes déposés ces dernières semaines. En plus de la trêve olympique, de la suspension des travaux de l’Assemblée dans l’attente d’une nomination et de la pause estivale annuelle, les groupes politiques savent que leurs propositions de loi ne seront pas examinées avant le tour de leur niche parlementaire. Mais c’est quoi une niche parlementaire ?  

Pour Julie, « c’est un petit groupe politique au sein de l’Assemblée nationale ». Mathis n’a jamais entendu parler de cette notion, mais Philippe assure que « pendant une journée par mois, c’est un groupe d’opposition qui fait l’ordre du jour du Parlement » où il peut y inscrire ses propositions de lois.

Un micro-trottoir de Théophile Joos


Down the Rabbit Hole : « La démocratie est le moins mauvais de tous les systèmes », W. Churchill, 1948

 

Si le titre de notre article peut s’apparenter à une mauvaise introduction de note administrative, notre équipe de rédaction, tout juste de retour d’Outre-Manche pour affaires personnelles, n’a pu échapper à la maxime bien sentie du Vieux lion. Alors que The Spectator, journal britannique, avait pressenti la dissolution comme une « thérapie de choc » [1] au lendemain des résultats aux élections européennes, nous revenons dans la newsletter de la semaine sur les effets ressentis des premiers 13 jours de la XVIIe législature, avant la fermeture aoûtienne du Parlement.

 

En pleine « trêve olympique » annoncée par le Président de la République, les dépôts de propositions de lois fusent à l’Assemblée nationale. Il avait pourtant été martelé que le pays serait bloqué, que nous ne pourrions pas avancer politiquement faute d’une majorité à l’Assemblée.

Pourtant, nous avons toujours le même gouvernement, démissionnaire (situation qualifiée d’anti-démocratique par le journal allemand Die Ziet[2]), qui dispose encore de prérogatives pour gérer les affaires quotidiennes, en pleines olympiades… pas très quotidiennes. Aurait-il au contraire été raisonnable de relayer la tenue de cet évènement majeur, porteur de nombreux risques sécuritaires, à un nouveau gouvernement fraîchement nommé ? Si ce dualisme existe, le reste du bouleversement politique attendu demeure encore incertain.

 Illustration de Margot Soulat

Cette incertitude s’est paradoxalement fait présager dans la courte période séparant le 18 juillet dernier, date de début de mandat des nouveaux élus, et la pause aoûtienne annuelle. Cette introduction de 13 jours a laissé place à une suractivité législative dont l’efficacité questionne déjà.

Entre autres, dans l’actualité, le Parti communiste a déposé une proposition de loi visant à limiter la durée de vie des gouvernements démissionnaires. Cette proposition devra attendre au minimum le mois d’octobre ou lors de la prochaine niche parlementaire du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) dont 9 députés communistes font partie, sans grande chance de succès : pour qu’elle soit votée, il faudrait qu’elle soit aussi soutenue par une partie des deux autres forces de l’Assemblée, dont certains n’oseraient se 'compromettre avec un parti parfois stigmatisé par son passé soviétique, puis par le Sénat, plus conservateur, et enfin adoubée par le Conseil constitutionnel.

Hier encore, le Conseil constitutionnel a jugé irrecevable le recours de La France Insoumise concernant le vote des 17 députés-ministres ayant participé à l’élection de la nouvelle présidence de l’Assemblée nationale, sur les 80 autres recours ayant été déposés par différents groupes. La balle est désormais dans le camp du Conseil d’Etat, qui, au besoin, devra solliciter à nouveau le Conseil constitutionnel.

Le Conseil Constitutionnel est une juridiction indépendante des pouvoirs politiques, dans le sens où la nature de sa mission n’est pas soumise aux élections, et ses décisions non contraintes à une hiérarchie d’élus. Il convient toutefois de noter que ses membres sont en partie nommés par la présidence de la République ainsi que celle de l’Assemblée nationale, toutes deux issues du groupe Ensemble depuis 2017. À ce jour, 6 membres sur 9 ont été nommés par le groupe présidentiel : Laurent Fabius, Corinne Luquiens, Jacques Mézard, Alain Juppé, Jacqueline Gourault et Véronique Malbec.

Après des semaines de bataille pour la majorité au sein de l’Assemblée et ses premiers jours de pratique, le niveau de difficulté des négociations reste encore flou : avant ou après la dissolution, les équilibres de force précaires - bien que plus favorables au bloc de gauche pour cette mandature – ainsi que notre système institutionnel présidentiel, demeurent. Ce système présidentiel vise initialement à limiter les compétences des parlementaires pour assurer la stabilité politique, notamment en matière financière (à constater à l’arrivée de la loi de programmation financière légalement déposée la première semaine du mois d’octobre par le gouvernement, dont nous reparlerons dans cette newsletter, en temps voulu).

L’incessant lancer de ricochet semble être lui reparti pour un tour, projetant propositions de loi à la pelle, bénéfiques pour l’affichage politique, mais sans aucune certitude de réussite et sans vraisemblable recherche active de compromis intergroupe pour tenter d’y parvenir.

Illustration de Margot Soulat

Au-delà du national, l’Europe s’est également renouvelée, avec plus de facilités qu’envisagé. Les deux figures de proue de Bruxelles et Strasbourg, Ursula Van Der Leyen, présidente de la Commission, et Roberta Metsaola, présidente du Parlement, ont elles aussi été réapprouvées par les députés européens, et ce malgré la hausse notable du nationalisme d’extrême droite sur les bancs d’une majorité des 27 pays membres de l’Union.

Si la gestion de la crise du Covid-19 a certainement joué dans le renouvellement de confiance attribué aux deux femmes par le Parlement, il semblerait que l’incapacité institutionnelle à répondre à la montée du ressentiment démocratique ait été le facteur principal de cette reconduction. De la même manière qu’en France, les élections se sont présentées comme un report inévitable vers le candidat le plus « sûr », celui ou celle qui a déjà gouverné sans avoir trop fauté, comme un soldat dont le pied se trouve piégé par le cliquetis d’une mine, restant figé.

Le président de la République a lui aussi déjà appelé à la reconduction du commissaire européen français, Thierry Breton, au prestigieux poste en charge des finances de l’Union européenne auprès de la Commission. Rien ne paraît encore changer sous le soleil.

 

Un article de Charlotte Culine


[1] Dissolution de l’Assemblée : Macron “devrait se méfier du précédent” Chirac (courrierinternational.com)

[2] Avec sa “trêve olympique”, Macron “viole tous les usages démocratiques” (courrierinternational.com)



Focus sur une nouvelle nomination dans l’administration

Thomas Bolle, commandant de gendarmerie à Dunkerque entre 2015 et 2019, est nommé au poste de chef du bureau Sécurité intérieure de l’Union au sein du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Sur les côtes de la Manche, Thomas Bolle a travaillé de près sur certaines questions d’intérêt pour le moment politique européen, dont, outre les conséquences du Brexit sur le trafic autoroutier à la douane, les tentatives de traversées illégales de migrants depuis Calais. Les actions menées par la gendarmerie en mer et sur les côtes, en coopération rapprochée avec les gardes frontières britanniques et la police française, ont été interrogées dans un rapport officiel des inspections générales de l’administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN), qui estimait « plausibles » certains abus des forces de sécurité à l’encontre des migrants.

Pour préparer la transposition en droit français du Pacte sur la migration et l’asile, voté par le Parlement le 10 avril 2024 et adopté le 14 mai suivant par le Conseil de l’Union européenne, son expérience de terrain pourrait s’avérer utile pour remplir l’un des objectifs de cette nouvelle législation : mieux contrôler les frontières européennes.

Ce service directement lié au Premier Ministre suit et encadre les négociations menées par l’ensemble des ministères sur leur sujet de compétence auprès de l’Union Européenne. Pour une carrière dans la Haute Administration, ce poste est stratégique. D’une part, il permet à son détenteur une grande maîtrise de l’action de l’Etat au niveau européen, ainsi qu’une grande visibilité des autres grands corps de l’Etat : le SGAE interagit constamment avec les directeurs de services et membres de cabinet, pour pouvoir aligner les positions des différents ministères impliqués dans une politique européenne.


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Par JOURNAL L'À-PROPOS

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